Le Jeu en psychomotricité
« Jouer est une thérapie en soi »
D.W. Winnicott, Jeu et réalité : L’espace potentiel, éditions Gallimard, 1975, p. 71.
Le jeu est une chose sérieuse et indispensable. Il est étroitement lié à l’évolution des compétences psychomotrices (motricité, espace, temps, cognition, affectif). Il développe le savoir faire et le savoir être de chaque individu.
« C’est dans le mouvement continu entre expériences du corps et vie psychique que se construit non seulement l’enfant, mais l’adolescent ou l’adulte. Cet équilibre reste la condition essentielle pour qu’un individu quel qu’il soit reste vivant à lui-même et au monde tout au long de sa vie. L’unité « corps – psyché » est en constant remaniement dans un mouvement d’intégration des expériences de vie et ce, quelque que soit l’âge.
Sensations, éprouvés, émotions, perceptions, enveloppes corporelles, toutes ces notions fondamentales pour nos pratiques corporelles ouvrent donc sur un champ théorique largement complémentaire que nous ne pouvons pas ignorer, celui de la relation, du lien à l’autre, de la séparation d’avec l’autre, de la présence à soi-même.
En psychomotricité, on fait, on ressent, on vit des expériences concrètes, corporelles, perceptives, sensorielles, ludiques, tactiles, kinesthésiques. Et on joue ! Le plaisir du jeu s’inscrit dans toutes perspectives psychomotrices, quel que soit le champ d’intervention : thérapeutique, éducatif, ou rééducatif. Le plaisir du jeu est au centre du dispositif que le psychomotricien met en place pour soutenir l’investissement du corps, autant dans ses aspects instrumentaux que relationnels. Au travers des activités ludiques, c’est toute l’expression du corps et sa fonctionnalité qui se déploient au service d’une maturation et d’une construction d’« être soi ». Ainsi, si le psychomotricien est concerné par les acquisitions, les expériences, les structurations, il est, de fait, du côté de la construction identitaire, étant donné la portée symbolique des engagements corporels. Ces deux axes de travail se chevauchent continuellement.
[Le psychomotricien se doit de : ]
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Favoriser le jeu du corps : médiateur d’expression.
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Proposer un lieu d’expériences de sensations et de perceptions
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Aider à la transformation des éprouvés en représentations.
[…] Les médiations, en ouvrant la voie à une élaboration constructive vivante, sont toujours des détours pour la symbolisation. »
Extrait de congrès mondial de Strasbourg, Faculté de médecine Pierre et Marie Curie.
LES REPRESENTATIONS
Les Représentations
selon A. Bullinger
Les représentations : ce sont, au cours du développement, les élaborations psychiques, les concepts issus de l’organisme tel que le corps, l’identité, autrui… Elles sont le lien symbolique entre l’environnement extérieur et notre monde mental. Elles donnent un sens dans un contexte donné. Elles évoluent lors du développement en fonction des moyens cognitifs et des interactions avec le milieu. Elles s’élaborent en deux temps :
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L’espace du geste : lors du mouvement, l’effort musculaire, la durée, la vitesse, l’ajustement tonique, donnent les représentations sensorimotrices. Ces schèmes d’action forment des habitudes motrices. « La subjectivité est ressentie au travers de la modulation tonique nécessaire à la réalisation des gestes. ». (Bullinger, 2013, p. 175.)
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L’effet spatial du geste : il pérennise les représentations sensorimotrices en les détachant de l’action pour les reporter sur des « lieux » : l’organisme, les objets, l’espace géométrique. La représentation mentale de l’organisme que l’individu élabore à travers des interactions avec le milieu est le corps. En ce qui concerne les objets, seules leurs propriétés sollicitées durant l’interaction donnent lieu à des représentations. Quand à l’espace géométrique, englobant le corps et l’objet, sa représentation est l’espace. Il est un langage, le « réceptacle de ces représentations. » (Bullinger, 2013, p. 175). Toutes les composantes du milieu n’ont pas été prises en compte.
Bullinger André, (2013). Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars, Editions Eres
Les Représentations
selon R. Roussilon
Selon R. Roussillon et d’autres psychanalystes, il y a deux sortes de représentations psychiques :
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la « représentation-mots » dans le langage,
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la « représentation-choses » dans les rêves ou le jeu.
Puis, durant le fonctionnement psychique, succède la représentation de la représentation : la métareprésentation ou métacognition, qui s’organise, elle aussi, selon deux axes :
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la « représentation-mot » de l’activité représentative qui se traduit par « je pense, j’imagine,… »
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la « représentation-chose » de l’activité représentative. Lors d’un jeu, par exemple, une bobine de fils (représentation chose) peut signifier le lien à autrui (représentation de la représentation chose).
Les études psychiatriques portant sur la psychose, les troubles narcissiques-identitaires et l’autisme ont démontré que la métacognition fait défaut en psychopathologie. A ce jour, les travaux des cognitivistes (J. Piaget, A. Bullinger…) joints aux questionnements des neurosciences sur la « Théorie de l’esprit » (version des primatologues Premack D. et Woodruff G., 1978), ont mis en évidence son rôle capital dans la prise de conscience de soi et la construction identitaire de l’individu. La métacognition : « […] capacité psychique à se représenter que l’on représente et à différencier l’univers du symbole de l’univers de l’action ou de la perception, est donc centrale dans la conscience et la saisie de soi, qu’il s’agit là d’un opérateur déterminant de la différenciation Moi/non-Moi ; de la différenciation dedans/dehors et de la différenciation Moi/autre-sujet. » (Roussillon, 2001/2, p. 244).
Roussillon René, (2001/2), L’objet « Médium malléable » et la conscience de Soi », L’autre, vol. 2, p. 241-254.